Aujourd'hui c'est la journée des droits de la femme, et je vois tellement de pubs visant à faire consommer des fringues, des chaussures et du maquillage - parce que si ça semble être ça le droit de la femme aujourd'hui, sois belle et parle pas trop fort - alors, cet article tombe comme une cerise sur le cupcake girly.
Ok
ok ok, on aime les livres, on aime travailler à Cultura l'esprit
débile, on aime le rayon jeunesse et plus précisément, on
ai-me... Fleurus !
Fleurus
et son « moi j'ai compris que j'édite pour les petits garçons
et pour les petites filles.
Attention,
quand je dis ça, comprenez-moi bien.
J'édite
Pour
les petits garçons
Et
Pour
les petites filles.
Action.
Les
petits garçons et les petites filles.
Shame,
shame, shame on me, quand on me dit « je suis invitée à un
anniversaire et je dois apporter un cadeau pour le nain de la maison/la poupée en jupette, qu'est-ce que vous me conseillez?", je dégaine le livre à toucher Usborne, le
livre sonore Gallimard et « c'est un garçon ou une fille ? »
la collection petit garçon petite fille. Et précisant « Voilà
c'est très fille » ou « c'est très genré ». Mais
je le propose. Mettant en avant le graphisme poupée rond et coloré,
ou le « les engins, c'est une valeur sûre ».
Parfois
j'ai le bonheur de voir mon interlocuteur froncer le nez, en disant
« euh oui non » - variante : « mon mari va
râler et péter une pile si je ramène ça » (monsieur je ne vous connais pas
mais sachez que je vous aime). Mais souvent, on me dit « oooh
oui, c'est chouette ! » - la raison numéro une pour laquelle je le propose, me maudissant généralement pour mon manque d'intégrité et ma tendance à aller au plus facile quand je suis fatiguée par les clients.
Mon
rêve de maman. Mon rêve de princesse. Mon rêve d'actrice. Mon rêve de top model.
…
Je
veux dire, par contre, à quel moment une gamine de 14 mois à 3 ans déclare que c'est vraiment top fun de jouer/devenir (à la) secrétaire ? En tous cas du temps où
j'étais môme, secrétaire n'était dans aucune wishlist d'avenir de
mes copines. Moi je voulais être maîtresse, comme maman. Mais
secrétaire ? Faire des photocopies, le café du patron et se
faire reluquer les fesses quand on ramasse les dossiers ? On me
dira qu'un enfant ne perçoit pas le métier de secrétaire comme ça,
mais j'aimerais savoir ce qui peut faire fantasmer dans ce boulot
(quand on doit être soi-même la secrétaire, pas quand on doit en
avoir une, suivez un peu).
Bon,
il y a aussi mon rêve de vétérinaire, d'accord, d'accord. Mais
quand même.
C'est bien Ninon ma chérie, je suis sûre que tes parents sont fiers de toi. |
Du
côté des ptits mecs, voiture, fusée, bateau, avion. Ce n'est pas
si grave (si on excepte les rimes franchement lamentables avec les
prénoms, mais bon, la littérature jeunesse reste dans le simple et
efficace, puisque ça marche. Pipi caca, ah ah.) Mais bref, ça reste
gen-ré. Et je suis fatiguée de devoir répéter aux parents que non, les dragons ce n'est pas pour les garçons et que oui, les petits garçons peuvent surkiffer un documentaire sur les bébés animaux.
Un best seller de mon rayon. A pleurer j'vous dis ! |
Bon, on
laisse les petits et on s'intéresse à ce que j'ai reçu par pile de 25 pour Noël : le dico des
filles.
(et j'aime autant vous dire que vu le poids du machin, ça m'a un peu gavée de devoir lui trouver une place volante sur le plot fille.)
D'après vous, quiiii va me lire ? |
Coucou,
je suis un joli livre bling bling rouge framboise avec des paillettes
qui brillent, des perles, des pétales de roses et un papillon, je
suis pour les fiiiilles !
A
noter que les trois mots sur la couverture (à part le titre) sont :
« beauté, respect, mode ». Dans cet ordre. On voit le
niveau. C'est bien d'essayer d'intercaler le respect entre la beauté
et la mode, mais ça pue quand même la superficialité à plein nez,
sur base de « je suis superficielle mais respecte-moi comme je suis, nan mais
oh ! ». Ouais. Mais non.
Déjà
donc, on a un peu envie de criser quand on voit la dégaine du
bouquin (qui en plus est une véritable agression visuelle). Mais quand on le lit, c'est pire. Et je ne parle pas de
l'aspect nunuche et consumériste qui se dégage presque à chaque
page, tant et si bien qu'on a l'impression de lire de la presse
féminine.
Je
donne la vie sésibo, merci mon Dieu.
On
reste dans une lignée de pensée très patriarcale et judéochrétine.
Ainsi à propos de l'avortement, il est doctement précisé :
« Si la loi permet cet acte, elle ne le rend pour autant pas
juste ou moral ».
Quoi
quoi quoi. QUOI ! Moral ? Juste ? De quel droit des
mots pareils, des concepts partiaux pareils, viennent-ils parasiter
une définition ? Qui décide de ce qui est moral ou juste ?
Papa, maman, dieu ou Fleurus ?
"On
peut comprendre l'utilité de cette loi tout en réprouvant
l'avortement parce qu'il porte atteinte à la vie humaine"
Merci Fleurus, on
avait compris que les auteurs se tapaient toutes les Manif pour tous,
point n'était besoin d'en retartiner une couche. Mais cette loi n'a
pas à être morale, puisque la morale en temps que code de conduite
à notre époque ne s'appuie en théorie plus sur des concepts de
bien et de mal (j'insiste en clignotant : judéo chrétien).
Bref, après tout, c'est le propre de la justice d'être polymorphe.
Si c'est légal, on peut donc partir du principe que c'est moral,
sauf si individuellement, on est contre – ce qu'on peut être, bien
sûr. Mais en ce cas, on est prié de ne pas l'insérer dans un
dictionnaire. Quand à savoir si c'est juste : On dispose de son
propre corps, oui, c'est juste. Nier les droits d'humains capables de
choix et qui doivent assumer au détriment de vies futures (disons,
loin d'être abouties), ça, ce n'est pas juste. Et ce n'est pas
essayer de culpabiliser préventivement qui résoudra ce grave
problème, surtout quand à aucun moment on aborde les raisons qui
font qu'on peut faire ce choix. Encore une fois, c'est partiel et
partial. Si ce qui était juste pouvait être dissocié du contexte
et du cas par cas, on ne serait plus en train, au XXIe siècle, de se
demander ce qui est juste ou pas. Une fois de plus donc, on garde ses
théories scabreuses pour soi.
D'ailleurs,
à propos de la religion, les articles concernant Dieu et la foi se
cantonnent au christianisme. Moui. En même temps, l'orientation de
Fleurus est catho, rien de neuf sous le soleil. On s'en serait douté
à voir le ton de l'ouvrage.
Fifilles
un jour, fifilles toujours
"En
moyenne, vous devez prendre 20 cm et 20 kg pendant toute votre
adolescence. C'est ce qui vous donnera des allures et des formes de
femme. […] Envolée la petite fille filliforme! Mais rassurez-vous:
les garçons a-do-rent ça!!!"
Déjà vas-y que je te norme d'office, mode complexes à la clé ON. Mais bah si les garçons se branlent en pensant à nos seins tout neufs !
Vous je ne sais pas, mais moi ça me rassure !
… Allez
mes jolies, ravalez vos complexes, vous pouvez à présent être du
bétail à plaire, de la chair à consommer. Quelle importance peut
avoir un mal être, du moment que certains y trouvent leur compte ?
Et on ne parle pas d'autre chose que de la rondeur de vot' cul (pas
trop gros quand même!) ou de vos seins (ça on peut y aller).
D'ailleurs :
"
Vous ne pouvez pas vous empêcher d’être une fille, de réagir
comme une fille, de vous comporter comme une fille… notamment en
présence des garçons."
Carte blanche donc
pour glousser, se pavaner, mettre du gloss en pouffant telle une hyène moyenne, bref, en un mot comme en
cent, se comporter comme la niaise de base. Avec un guide pareil, il
ne faudra pas s'étonner que ce soit le cas si ça arrive, c'est sûr et certain.
Et ensuite, dix ans
plus tard, ce sont les mêmes DINDES qui vont venir acheter La femme
parfaite est une connasse. Quelque part, on fidélise la clientèle.
L'autre sexe. Mais
si, celui qui est long et qui rentre dans les vagins.
"On
peut avoir envie de caresses sans forcément vouloir aller plus loin.
L’important, c’est de le savoir et de le dire, mais aussi de ne
pas laisser le garçon s’embarquer trop loin dans le désir pour
dire "stop" au dernier moment. Un garçon ne fonctionne pas
comme une fille et il ne comprendra pas forcément que vous passiez
des heures à vous laisser cajoler sur un lit si ce n’est pas pour
avoir une relation sexuelle."
Oui, si, on a le
droit de dire stop au dernier moment. Inutile d'essayer de faire de
la culpabilisation sur base de « quand même, tu l'as chauffé,
maintenant, assume ». C'est tellement slutshaming que ça me
dégoûte de pousser le cynisme plus loin. Mon mec me faisait
remarquer que c'était encore très judéo chrétien comme approche :
tu es la femme, le sexe faible et tentateur. Mais alors, assume.
Poussant ainsi la fille dans le système de pensée patriarcale :
la femme comme soumise et inféodée au désir de l'homme, tout en étant par définition la tentatrice, l'Eve originelle.
D'un autre côté,
même si tu te penses homo ma fille, réfléchis bien. Tu ne souffres
sans doute pas de ce mal déviant et contre-nature : tu as juste
peur de l'homme – bon sang mais c'est bien sûr, pourquoi tous les LBGT n'y ont pas pensé avant.
« "A
votre âge, il arrive qu’on vive des relations si intenses avec des
amies (surtout sa meilleure amie) que l’on peut se croire
homosexuelle. On pense qu’on ne pourra jamais aimer autant que cela
un garçon, jamais se comprendre aussi bien qu’entre filles. Ce
peut être simplement que les garçons vous font un peu peur parce
qu’ils sont trop différents, trop incompréhensibles. Vous avez
aussi peut être un peu peur de vous-même, de l’intensité
de désirs nouveaux qui surgissent en vous face auxquels vous ne
savez pas comment réagir. Alors vous vous sentez plus en sécurité
avec des filles parce qu’elles vous ressemblent et que vous pouvez
partager avec elles vos sentiments et vos interrogations."
Bref, ne t'inquiète
pas, tu es faire pour te faire tringler et pondre des bébés,
souffle un coup et laisse Jean Charles te sauter le soir du bal de la
promo parce qu'au fond de toi tu sais que tu en meurs d'envie
(surtout si tu l'as chauffé avant, sale petite allumeuse!)
De toute façon,
dans une précédente édition (2010), il était précisé que le
PACS n'était pas comme le mariage, ce dernier ayant comme but de
fonder une famille. Et que d'ailleurs, les homos savaient que leur
orientation serait difficile pour eux : ils ne pourraient « pas
avoir d'enfant avec une personne du même sexe »
(biologiquement, certes... mais on va au delà de ça, même en 2010)
ni « fonder une famille ».
Attendez... je
boucle ma valise... Là ! Moyen Âge, nous voilà !
Fraternité,
Égalité et réconciliation (pardon)
"Ne
rien faire pour favoriser l’égalité, c’est maintenir les
inégalités de naissance. Mais l’imposer coûte que coûte, c’est
prendre le risque de ruer tout dynamisme, toute créativité. A quoi
bon se donner du mal pour développer ses talents, si l’on n’en
tire aucun bénéfice?"
Je... ah. Oui, bien
sûr, suis-je bête. Mais dites-moi, je vois bien que vous avez une
façon de présenter la chose très sournoise : vous admettez
qu'il faut être pour l'égalité des sexes, pour l'égalité des
droits et des chances parce-qu'on-est-en-2014, mais quand même, pas
trop ! Certains doivent être plus égaux que d'autres, afin
qu'il y ait un peu de fun dans le jeu. Hein, sinon, quel intérêt ?
Il vaut mieux ne pas imposer l'égalité coûte que coûte, pour que
les nantis (intelligence, argent, pouvoir) ne soient pas dégoûtés
de jouer. Ah, mais en fait, vous n'êtes pas pour l'égalité, quoi,
c'est bien le concept de méritocratie que je vois planer au dessus
de tout ça. C'est bien ce qu'il m'avait semblé comprendre.
Par contre je
persiste et signe, ce n'est pas le rôle d'un dictionnaire pour ado
de lister des questionnements éthiques, surtout sans approfondir ni
même être précis concernant le concept d'égalité. Et surtout
quand lesdits questionnements s'avèrent être quelque peu plus
complexes que « bon bah les inégalités c'est mal mais
l'égalité à tout prix s'pas top ». Merci. Mais encore ?
On me dira qu'on ne mâche pas le travail à nos jeunes : on
leur donne la problématique, ils réfléchissent. Sauf que moi, ce
que je vois, c'est un ordre de pensée : on énonce un fait,
puis on le contrebalance (sans argumentation réelle). Restant donc
sur la position numéro deux, qui est... ohhh, comme je suis
surprise ! Ne pas imposer coûte que coûte l'égalité !
Ton corps est sale,
femme.
Les
règles sont par exemple sont un sujet tabou ; après avoir
mentionné des pays où les preuves de la fécondité de la jeune
fille sont accueillies à bras ouvert, on précise pudiquement :
« chez
nous, on est beaucoup plus discret, souvent
on n’en parle pas, et surtout pas à ses frères ou à son père »
Ma
foi, on se croirait dans un épisode de Downtown abbey. « Lady
Sybil vient de perdre les eaux » annonce le médecin. Grantham
père blanchit et esquisse un moment empreint de répulsion et de
gêne – nous sommes dans les années 1900. « Docteur, ce
n'est pas la peine de préciser ce genre de choses devant Monsieur »
glisse élégamment la brune Cora au médecin, qui a eu le culot de
parler de ces choses ténébreuses et féminines constituant le fait
de donner la vie (et des héritiers, crétin!) devant un homme.
Boudiou, mais qu'arrive t-il à ce monde, qu'on se mette à parler de
menstrues à des mecs, j'vous jure !
Ou
alors c'est parce que je n'ai jamais eu de problème à raconter mes
problèmes de cystites et de mycoses à mon père que ça ne me
choque pas, je ne sais pas. C'est la nature, braves gens. On ne parle
pas du voisin qu'on croise entre deux portes, on parle du père et
des frères.
Allo ? Je... de quoi ? Comment ça les femmes font aussi caca ? Vous vous foutez de moi là, ou bien ? |
Concernant
d'autres sujets, comme la pilosité par exemple, on reste classique :
"En
France, l’usage veut qu’on s’épile. Les gens seraient choqués
de vous voir avec des poils sous les aisselles: c’est supposé être
très laid. En fait, cela peut donner l’impression qu’une femme
ne prend pas soin d’elle ou pire, qu’elle est sale. »
Bon,
si vous comptiez changer vos usages (après tout, on y a droit, ce
n'est même pas une anti-poil comme moi qui vais dire le contraire),
après ce genre de semonce dont on ne sait si elle est du lard ou du
cochon, vous en voilà guéri. Même si d'aventure ce n'est pas ce
que pensent les auteurs, on retrouve tous les clichés bien concons
liés à la non-épilation, ce qui fait que le message de base passe.
Je
passe sur les informations un peu discutables, comme l'hépatite B
qui se transmettrait par la salive (wadafuck ? Vous faites vos recherches sur Doctissimo ou bien ?), le mariage avant 18 ans qui
émanciperait (non, à ce jour en 2014 on ne se marie pas avant 18
ans, et ce depuis 2006)), ou le cancer du col de l'utérus qui affecterait
potentiellement les filles dès la puberté et les premiers rapports
sexuels (il faut attendre plusieurs années avant que les cellules
cancéreuses se développent, donc du coup : non).
Bref, un bon gros ramassis de nullités sans intérêt, voire nocives. Heureusement,
ce bouquin est somme toute assez cher, et j'ai le plaisir d'annoncer
qu'il s'est très mal vendu - en tous cas chez moi – à Noël
dernier. Il faut dire que je l'avais sciemment mis en face froide ,
caché derrière les coffrets de cuisine Hello Kitty et les kits
d'origami.
Un
petit dernier pour la route. Et big kiss à mon pote Éric avec qui
c'est toujours un plaisir de s'insurger contre Fleurus&con-sort
ainsi que causer féminisme, Mafalda et homosexualité au boulot.
Et voui et voui. |
Assez
de trucs qui fâchent. Mon coup de cœur du moment, celui qui m'a
fait stopper ma mise en rayon, poser la moitié du cul sur une table
et lire les deux volumes entièrement (ce qui ne m'arrive jamais d'habitude tant on a la coutume d'être en retard sur la mise) :
La
déclaration des droits des garçons et la déclaration des droits
des filles, par Elisabeth Brami, chez Talent haut.
Pour
les garçons : « Pouvoir porter une longue tignasse et des
perles dans les cheveux. Ne pas être un super héros tout les jours.
Avoir le droit de pleurer, de se plaindre, d'être dorloté. D'être
infirmier et de jouer à la dînette ».
Pour
les filles : « Pouvoir sauter dans les flaques, grimper
aux arbres et jouer aux voitures sans être traitée de garçon
manqué. Être bonne en maths et mauvaise en français. Avoir les
cheveux courts ».
Pour
les deux : « aimez qui vous préférez : les garçons,
les filles, ou les deux ».
Evidemment, il ne se vend pas.
Evidemment, il ne se vend pas.
Arrêtez
de dire à un garçon qui pleure : « ce sont les filles
qui pleurnichent ! »
Arrêtez
d'utiliser tapette et tafiole comme synonyme péjoratif dépréciatif
de l'homosexualité.
Arrêtez
d'aller vers le rose et le bleu pour des filles et pour les garçons.
Arrêtez
d'acheter du Fleurus.
Merci.
Si tu me piques mes coups de gueule contre livres débiles et autre donneurs de leçons "Manif' pour tous-compatibles" il me reste quoi à écrire comme article :D
RépondreSupprimerJe ne me fais aucun souci concernant ta créativité va ! ;)
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